Une image des JMJ
S'il est une image que je retiendrais des JMJ de Cologne, c"est le Pape Joseph, lors du salut du Saint Sacrement, traçant sur la foule de jeunes le signe de la croix avec l’ostensoir. J’ai été touché de voir que celui qui souleva l’enthousiasme sur son passage dans les rues de Cologne, sur les rives du Rhin, s’effaçait pour nous présenter celui pour qui tous étaient venus : Jésus Christ, présence réelle dans l’Hostie consacrée.
Tous unis par une même Foi dans cette plaine de Marienfeld, unis dans une prière commune… Seulement, voilà . Les JMJ sont finis, chacun est retourné dans son pays, sa ville, son village. Certains, chanceux, prolongent les grâces de ces journées dans des groupes, des assemblées… mais tous, en définitive, se retrouvent face à eux-mêmes.
La nuit spirituelle est une épreuve qui n’épargne personne, et qui guette tout JMJiste qui s’en revient d’une semaine de rencontre avec d’autres chrétiens, de prière, d’enseignement. Le souvenir des moments forts s’estompe peu à peu et devient " brumeux ", au point qu’on se demande même si l’on n’a pas rêvé.
Alors on s’interroge sur le sens de ce qu’on a vécu là -bas, à Cologne. Et on découvre que ce sommet de la vie spirituelle n’était en aucune façon une finalité, mais simplement une impulsion, une exhortation. A quoi ? A tenir. Même si nous ne sentons rien au quotidien, même si nous ne rencontrons que peu de chrétiens dans notre vie de tous les jours, même si nous pouvons être montrés du doigt parce que nous sommes chrétiens.
Pourtant, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Pourquoi ? Parce que la vie spirituelle offre infiniment plus de possibilités que le monde visible, et nous avons toutes les cartes à portée de main, il suffit de les saisir. Panorama des moyens pratiques :
Prions les uns pour les autres.
" Là ou deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux " (Mt 18, 20) disait Jésus. Phrase ô combien vrai aux JMJ, à la différence qu’il fallait compter en centaines de milliers, ce qui ne gâche rien ! Mais après, qu’en est-il ? En tournant et retournant cette phrase dans notre cœur, on fini par se rendre compte que la considération géographique " là " (à un point donné) n’est pas si réductrice qu’elle n’y paraît.
Qu’en est-il si je prie seul ? Impossible. On ne prie jamais seul. La prière est un pont qui relie tous ceux qui prient, pour peu que l’on ait la même finalité. Ce qui veut dire que de mon île déserte, de mon igloo au Groenland, lorsque je commence à prier, je me " connecte " à ceux qui font la même démarche que moi. Rien de sensible, certes, mais réalité véritable, mystérieuse comme le sacrement de l’Eucharistie… " Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous formons est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain " (1 Co 10, 17) Eucharistie et prière se confondent dans cette phrase de Saint Paul. La prière comme puissance unificatrice.
Tout ceci peut paraître bien impalpable, bien impersonnel. Mais nous avons aussi les moyens d’associer des visages à cette prière, à commencer par ceux que nous aimons. Exemples.
Gustave désire se marier, il ne connaît pas encore celui qu’il épousera, et s’inquiète d’ailleurs de temps en temps de ne pas l’avoir encore rencontrée. Mais il ne se passe pas un jour ou il ne confie sa futur femme à la bonté de son Créateur : " mon Dieu, protège ma future fiancée qui se tient quelque part, sur le vaste monde. Donne lui de te connaître, de découvrir le bonheur, et lorsque sera venu le moment de la rencontrer, donne nous la simplicité de nous reconnaître et nous découvrir dans le feu du Saint-Esprit ".
Ursule est fiancé à Lisa. Mais nos deux tourtereaux ne se voient pas très souvent, et pour cause, il travaille en Europe, elle est en Australie pour un an. Des rythmes très différents, un décalage horaire vertigineux, une vie impossible, en somme. Tant de couples se divisent et se rompent pour beaucoup moins. Mais Ursule et Lisa prient l’un pour l’autre. Mieux, ils se le disent, et se sont fixés quelques petites règles pour développer leur intimité spirituelle. Chacun récite une dizaine de chapelet pour l’autre au réveil et avant de s’endormir. Le décalage horaire empêche toute synchronisation, mais dans le secret de leur cœur, tous deux ont repérés l’heure approximative de la prière de l’autre, et chacun tâche de s’y unir par le cœur. Cela ne marche pas à tous les coups, il y a des oublis, mais là n’est pas l’important. Leur intimité grandit mystérieusement à travers cette belle constance du cœur. Cerise sur le gâteau, il prient parfois ensemble au téléphone, très simplement, après leurs longues discussions.
Andrea passait voir sa sœur Alice, au sixième étage sans ascenseur de la rue des Martyrs. En montant l’escalier, elle croise une très vieille dame, qui traîne difficilement un sac deux fois gros comme elle. Elle lui propose son aide et porte le produit de ses achats. La vieille la remercie, entre chez elle tandis qu’Andrea poursuit son ascension.
C’est tout ? C’est tout. Andréa se marie, donne le jour à deux beaux enfants, s’épanouis. Après quelques décennies, sont mari décède. Elle le rejoint deux ans plus tard. Mais quelle n’est pas sa surprise de découvrir au moment où ses yeux s’ouvrent sur l’ensemble de sa vie, que cette petite vieille qui répond au doux nom de Violette, a prié pour elle tous les jours depuis cette banale rencontre dans un escalier avec ces mots : " Sainte Vierge, je confie à votre fils cette jeune fille qui m’a si gentiment aidée, protégez là tout au long de sa vie et faite lui connaître le bonheur "
La mort est un dur passage, mais j’ose imaginer la joie qui sera la nôtre lorsque nous découvrirons que telle ou telle personne, parfois même que nous ne connaissons même pas, a prié pour nous, nous a porté dans son cœur et confié à la bienveillance infinie du cœur du Christ. Je ne crois pas qu’un cœur de pierre reste sec en apprenant qu’une personne âgée ou malade, inutile aux yeux du monde, a prié pour lui, patiemment dans le secret, durant des années.
Ainsi se tisse une toile invisible entre les êtres humains, toile qui ne sera révélée que le jour de la Résurrection… Mais finissons la série de nos petites histoires.
Ludovic avait une mère possessive, bruyante, qui voulait que tout tourne autour d’elle, que tout passe par elle, le tout arrosé d’une susceptibilité démesurée. Un jour, elle le blessa profondément en critiquant à tord sa fiancée qu’il chérissait. Ludovic décida de ne voir sa mère que le moins possible dès après son mariage, pour ne pas entretenir cette animosité persistante. Ce qu’il fit. Mais de temps en temps, lors de la prière commune des époux, il confiait sa mère à la douceur de la Sainte Vierge. Bien sûr, il n’aurait pu prier tous les jours pour elle alors même qu’il avait tant de rancune dans le cœur, mais il privilégiait des moments légers, joyeux, et disait ces quelques mots : " Mon dieu, je ne puis encore pardonner à ma mère, mais je vous la confie, ainsi que toutes les difficultés que je ressent envers elle ".
Des Evangiles et des Sacrements
Si nous avons la force de lire quelques lignes, alors, lisons deux ou trois phrases de l’Evangile le matin ou le soir. L’Evangile nourrit la prière, lui donne vie et la relie au Christ, car la prière pour les autres ne serait rien sans cette dimension verticale qu’est la relation à Jésus.
" On ne peut avoir une vie de prière, et se complaire dans le péché " disait Marthe Robin, qui ne s’est nourrit que de la Sainte Hostie durant de nombreuses années (si ! si !). J’extrapole un peu, mais cette vie de prière dans le catholicisme, est je pense, un mélange subtil et très personnel (chacun son rythme !) de lecture de l’Evangile (ligne après ligne, pour en retirer toute la saveur, à la manière d’un gastronome qui goûte à un plat, en profitant de chaque bouchée), de prière à Dieu et prière pour les autres (on en a déjà parlé), et de Sacrements : surtout la Messe et la Réconciliation, qui nous accompagnent au jour le jour.
Tout ceci, en guise de conclusion, ne peut partir que du cœur. Bien souvent (ce fut le cas pour moi), c’est de tomber dans le péché qui nous fait prendre conscience de l’Amour infini de Dieu. Ainsi ont été touchés des géants comme Saint Augustin ou le Bienheureux Charles de Foucault… tout comme des gens ordinaires, anonymes, qui gambadent sur le vaste monde.
Stan (Paris)